LA MÉMOIRE ET LE PÈRE

Je vous ai cherché au lointain
depuis le port jusqu’aux rumeurs
traversé des pays anciens
une petite fille meurt.
J’ai creusé tant de regards
que franchit de fausses frontières
mes yeux flottaient hagards
dans la mer et ses mystères.
J’ai construit sans vous mes rêves
drôles de châteaux de sables
des fondations d’imaginaires
que me soufflaient les coquillages.

J’ai marché cinquante lunes
Ne me voyez vous pas ?
dansant sous les toits sur les dunes
comptant mes pas, à haute voix

J’ai cherché dedans les pierres
dans les algues les cheveux d’écumes
par-dessus l’horizon les mers
votre silhouette dans la brume
qu’émergerait la fin de l’errance
en quelques gouttes même fines
venir éclabousser mon enfance
mais elles se brisent sur mes rimes
j’ai fait de la vague de lame
une voix une vie une faille
sur laquelle glisse doucement
les balbutiements d’une femme.

J’ai marché cinquante lunes
Ne me voyez vous pas ?
dansant sous les toits sur les dunes
comptant mes pas, à haute voix

Dans les silences que murmurent
les printemps sans racines
ruissellent les blessures
que votre absence en moi dessine
les nuits où je rêve de vous
séchant mes larmes de promesse
où votre épaule ou votre cou
m’aurait enseigné la tendresse.
Mais vous n’êtes qu’un fantôme
et moi son ombre translucide
à l’aube où les corps s’abandonnent
à la mémoire d’un phare de granit.

J’ai marché cinquante lunes
Ne me voyez vous pas ?
dansant sous les toits sur les dunes
comptant mes pas, à haute voix

J’ai sur la peau les cicatrices
traces de l’enfance volée
si les mânes s’évanouissent
c’est de vous avoir trop rêver
face à la mer qui se souvient
de cette nuit où vos caresses
vous firent père sans témoin
de cette fille qui vous laisse
la mélodie de l’océan
des mandragores phosphorescentes
une orpheline qui chante
dans le vent

J’ai marché cinquante lunes
Ne me voyez-vous pas ?
dansant sous les toits sur les dunes
comptant mes pas, à haute voix

J’ai marché cinquante lunes
Ne m’entendez-vous pas ?
Chantant sous les toits sur les dunes
comptant mes pas,
à haute voix.

DEMAIN

J’ai aimé chacune des parcelles de ton corps
J’ai bu jusqu’à la lie chaque soubresaut de tes rires
J’ai inventé mille rêves dans le nuage de tes yeux
J’ai oublié que ce n’était qu’une trêve, un mirage pour deux
Puisque demain…

J’ai goutté à la pluie que dessinent tes boucles
j’ai craché à la nuit comme un jure à l’infini
J’ai oublié que demain… mais demain c’est si loin

Quand tu enfouis ton désir
quand tu souffles sur ma peau Ederlezi
quand tu ris à ma sagesse y décelant mon ivresse
j’oublie que le temps ne nous laisse…

Quand dans tes bras de marin tu m’enlaces et me serres
Quand nos doigts glissent sur les mêmes refrains
Quand nos lèvres frémissent
j’oublie que le temps ne nous laisse
plus que demain… et demain me semble si loin

Et l’écho de nos nuits qui résonnent encore
Tes pores collé à ma peau qui s’accordent et on
Fait frissonner les lamelles du temps

Pourtant le temps passe pas à pas
Et j’oublie ta peau et j’oublie ton dos
Et je joue à faire danser les foules
et me déjoue des jours qui s’écoulent

Je m’invite en Bretagne dans la pierre des palabres
Au café de la pente je charme et je nargue
La montagne défiante et ce désert qui te hante

J’écoute les fantômes des confréries oubliées
Ils s’étirent en épées ornent les cheminées
Dans une chapelle saccagée je suis femme templier


Et je cours sur terre pour oublier l’écho
Je cours en arrière même s’il le faut
J’y’oublie ta peau et le goût d’hier
Le Finistère me sourit il a les pieds dans l’eau

alors j’oublie les demains
j’oublie les ederlezi
Dans le creux d’autres mains
j’oublie que demain
tu reviens…

Et je cours sur terre pour oublier l’écho
Je cours en arrière même s’il le faut
J’y’oublie ta peau et le goût d’hier
Le Finistère me sourit il a les pieds dans l’eau

alors j’oublie les demains
j’oublie les ederlezi
et dans le creux d’autres mains
j’oublie que demain
tu reviens…

Tu es parti longtemps tu voguais tu filais
et depuis l’océan tes pages me défiaient
« sois heureuse et vivante c’est le terreau de notre lien
ce lien pour lequel je ne crains rien »

Dans l’été brûlant j’ai séché mes larmes
le vent de l’Orient me dévoilait ses drames
un pays sans enfance, le sale bruit des armes
pourtant des hommes y chante et font trembler mon âme
Et j’ai beau m’enfouir en toi toute entière
j’ai beau réjouir d’être à tes cotés
rien ne pourrait faire taire l’écho de là-bas
ce bleu souvenir, tendre Djudjura

Alors je pars retrouver les accents berbères
je m’en vais plonger mes yeux dans le désert
je pars à mon tour, je vais en voyage
je quitte la tour, cette fois
c’est moi qui prend le large.

kin ranni wouli ter hor
la hadjiz la houdoud