L’HORIZON QUI SOLEIL
C’est un matin qui fait l’nouveau
Qui défrise tout un champ de blé
qui fait l’matou sur les ballots
sous un ciel gris, bas et rosé
C’est un matin qui fait l’craneur
Puisqu’aujourd’hui c’est jour d’chantier
On a sortit l’percolateur
Pour traire des litrons de café
On n’a pas l’temps d’semer d’l’oseille
Ni d’écouter l’bon roi causer
On a l’horizon qui soleil
Tout un hameau à faire pousser
Il faut qu’on plante dix-huit citernes
Qu’on installe vingt-cinq tones à eau
Faut qu’on déballe trois immenses scènes
Dix sept barnums, trente chapiteaux
C’est un midi qui fait la roue
Avec ses huit moules bien beurrés
Son s’mi remorque qu’on r’garde jaloux
Rempli d’compotes et d’fruits dorés
C’est un midi comme un ami
Qu’arrive les bras remplis d’cagettes
Qui dit « Voici cent sacs de riz
Autant d’pois chiches, d’la sauce cahuètes »
On n’a pas l’temps d’semer d’l’oseille
Ni d’écouter l’bon roi causer
On a l’horizon qui soleil
Un bourg entier à faire pousser
Il faut qu’on aille jusqu’à la source
Creuser tranchées, lui faire sentier
Faut qu’on allume le plus grand four
Pétrir la pâte, bien la mouler
Déjà l’aprèm là qui déboule
Qui dégringole entre les chênes
Le v’la qui paille qui débaroule
Qui farandole et qui je t’aime
Et ça fourmille dans les champs de blé
Et ça décloute, ça mini-pelle
Et ça famille dans l’atelier
Ça s’enracine, ça meule, ça s’mèle
On n’a pas l’temps d’semer d’l’oseille
Ni d’écouter l’bon roi causer
On a l’horizon qui soleil
Tout un village à faire pousser
Faut qu’on transforme toutes les palettes
En grands panneaux, en piques, en flèches
Par là cantine, par là débat
Ici camping et toilettes sèches
Là vient le soir, tel un oiseau
Se pose tout doux, replie ses ailes
Et c’est l’espoir comme un marmot
Qui crie « Ah y est ! Tout qui l’est prêt! »
Alors on sort le pain du four
Et on débouche une bonne bouteille
On y découpe des tranches d’amour
On trinque à tout, au vent, au ciel
On n’a pas l’temps d’semer d’l’oseille
Ni d’écouter l’bon roi causer
On a l’horizon qui soleil
Tout un pays à faire pousser
Puis v’la la nuit qui s’déshabille
Qui fait la belle, qu’enlève ses plumes
Et le silence qui la rhabille
D’une étincelle en pleine lune
Alors on file sous les filantes
Se faire border par l’utopie
On emmitoufle sous les couvrantes
Nos rêves unis, nos sacs d’envies.
On n’a pas l’temps d’semer d’l’oseille
Ni d’écouter l’bon roi causer
On a l’horizon qui soleil
Toute une époque à faire pousser.
Larzac août 2023