DISCOURS POLITIQUE FICTIONNEL (ou presque)…

DISCOURS POLITIQUE FICTIONNEL (ou presque) librement inspiré par les « PRINCIPES ÉLÉMENTAIRES DE PROPAGANDE DE GUERRE » de Anne Morelli. / Principes applicables à tous les camps et unanimement utilisés.
« Donc pour être clair hein, moi je ne suis pas pour la guerre hein, je suis pour la paix, c’est dans la paix que nous prospérons, je le dis et je le répète hein, je suis pour la paix, mais bon, là, on n’a pas le choix vous comprenez, on ne peut pas reculer les limites de la patience…
Comment ? Ah non je ne suis pas d’accord, c’est lui qui a commencé. Si si si, c’est lui qui a commencé, c’est pas nous… Et oui, parce qu’il n’a pas respecté ses promesses hein, alors que nous, on tient parole hein, nous on a toujours respecté les traités hein, mais pas lui… J’vous assure, c’est lui qui a commencé, moi j’étais en train de courir en slip dans le jardin en mangeant des mirabelles et lui pam, il m’a agressé… Donc, on est obligé de réagir, on ne peut plus être attentiste, c’est de la légitime défense, il faut qu’on lui montre notre force.
Pourquoi? Ben parce que c’est un dingue ce type, c’est un fou, un boucher, c’est un véritable perturbateur endocrinien, c’est l’ennemi de l’humanité hein…on ne peut pas le laisser faire tout ce qu’il veut quand il veut. Il faut à tout prix l’empêcher de mettre la planète à feu et à sang, ce bandit, cet assassin.
Qu’est-ce que vous dites ? À qui ça va profiter ? Ben… Euh… à ceux qui courent en slip dans le jardin en mangeant des mirabelles – il rit – non mais c’est pour rire, vous fâchez pas… Écoutez, je vais être sincère avec vous, ça va profiter à personne, c’est pas pour des intérêts financiers. Non je vous assure, arrêtez de voir le fric partout hein, là y a rien à gagner, ben non, c’est pas la loterie, faut pas déconner hein, on n’est pas à la fête foraine, y a pas de pompon, pas de méchant monsieur caché qui tire la ficelle, non, ça n’a rien à voir, c’est au-delà de tout ça hein. C’est pour des bonnes intentions, pour des raisons humanitaires et altruistes hein. C’est pour le bien commun. Voilà. Donc on n’a plus le choix, il faut déployer tout le matériel…
Comment ça quel matériel ?… Ben des armes évidemment. Et ben oui hein, y a pas trente-six mille solutions. Pour arrêter un conflit, il faut faire la guerre à la guerre, vous comprenez… ben oui, mais bon, rassurez-vous, on a des belles machines, toutes neuves, toutes mimis, toutes sexys et ultra performantes… C’est vrai que y a quelques années, c’était un au pifomètre, mais là ça va être ciblé, ne vous inquiétez pas, c’est armes-là, elles ne vont pas toucher un seul civil hein, elles seront utilisées uniquement sur des lieux stratégiques, seulement sur l’ennemi hein. C’est des armes intelligentes hein si je peux me permettre, elles savent reconnaître un ami d’un ennemi hein ? Eh ben oui.
Pas comme les armes qu’eux ils utilisent hein, parce qu’eux ces fous, ces barbares, non seulement ils tirent sur n’importe qui, mais ils tirent avec n’importe quoi hein. Alors que nous, non, nous, nos armes, elles sont légales, elles sont légitimes et elles sont utilisées de façon élégante hein si je puis me permettre…
Mais non ça ne craint rien, vous inquiétez pas, on est bien plus fort qu’eux hein. Eux, ils ne sont pas organisés, ils vont se faire dézinguer en deux deux, regardez ils sont déjà en train de se faire massacrer parce que nous on est des balaises hein, on a des gros bras hein, des super machines, des super soldats et tout et tout. On va les démonter et puis…
Quoi ? Mais bien sûr, je suis d’accord avec vous, c’est horrible, tout ce sang, toutes ces destructions, toutes ces images, ces bouts de bras de jambes, tout ça non mais c’est horrible hein, moi l’autre matin, j’arrivais à peine à me faire des tartines, je voyais la confiture de mirabelle j’avais envie de pleurer, j’pensais à mon grand-père, à ma grand-mère euh et je me sentais pas bien quoi, hein, ben oui ça me touche hein et autour de moi tout le monde est touché, tout le monde est ému hein, les artistes, les intellectuels, tous ces poèmes, toutes ces chansons. D’ailleurs on les remercie parce que ça nous aide hein, regardez toute l’opinion est touchée et c’est bien parce que…
C’est pour la bonne cause hein, c’est pour défendre des idées tout ça. C’est pour défendre des valeurs fortes, pour des valeurs sacrées hein, c’est pour défendre une cause commune, notre foi en toutes les valeurs que nous défendons. Notre cause est sacrée et nous devons la défendre les armes à la main s’il le faut.
Non mais écoutez, on n’a plus le temps pour discuter ! Y a plus le temps pour les débats, pour les votes, pour les blablis et les blablas, hein donc voilà, on y va ! Comment ?… Ah non moi je viens pas. Hé non. Je ne serais pas devant non. Ben non, ni derrière. Moi je suis au-dessus hein. Moi je décide hein, moi je gère, j’vais pas aller m’faire tirer comme un lapin pour rien, hein…Et si vous continuez à vous opposer à ce combat, ça veut dire que vous êtes du côté de l’ennemi, ça veut dire que vous êtes un traître. Hé ben oui, alors arrêtez de remettre tout en cause, parce que là il faut y aller, allez, on a plus le temps d’hésiter, allez, allez-y et on y va, on fonce, allez hop hop hop, c’est partit ! C’est le grand soir, on déballe tout, on sort les chars, les fusils d’assaut, les grenades, les hélicos, les sous-marins, les bombardiers et tout et tout, on y va et c’est partiiiit !!!
Ben vous faites quoi ?…
Mais comment ça vous ne voulez pas participer ?
Moi non plus je ne veux pas me participer, mais là y a pas le choix là, c’est pas une série télévisée, c’est pas une pièce radiophonique ni un jeu vidéo hein ? … Hé… Mais qu’est-ce que vous faites ?… Mais non ! Mais arrêtez ! Vous allez pas saboter tout le matériel?! Non mais c’est l’hallu… Ils sont en train tout péter. Mais mince alors. Et j’en fais quoi de tout ça maintenant ?! Et j’les mets dans quelle poubelle hein. La bleue, la jaune ? Mais merde alors. Hé ho ! Mais vous allez où là ? … On ne peut pas faire tout ça sans vous ! Mais… mais revenez !… Ne me laissez pas tout seul bon dieu. J’sais même pas comment on cueille des mirabelles ! »
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Les dix « Principes élémentaires de propagande de guerre » décris dans le livre de Anne Morelli :
1. Nous ne voulons pas la guerre
2. Le camp adverse est le seul responsable de la guerre
3. Le chef du camp adverse a le visage du diable (ou « l’affreux de service »)
4. C’est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers
5. L’ennemi provoque sciemment des atrocités, et si nous commettons des bavures, c’est
involontairement
6. L’ennemi utilise des armes non autorisées
7. Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l’ennemi sont énormes
8. Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause
9. Notre cause est sacrée
10. Ceux (et celles) qui mettent en doute notre propagande sont des traîtres
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Discours fictionnel : Murielle Holtz